Antonio Díaz-Florián
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BIOGRAFÍAMONTAJES PIEZAS ARTÍCULOS
 
     
 

2007 - El bufón trágico andino y su tocayo europeo - A. Díaz-Florián.
2004 - El Corral de Comedias en compañía del Caballero de Olmedo - A. Díaz-Florián.
2004 - La Cartoucherie: une aventure théâtrale - Joël Cramesnil. (extractos del libro en francés)
2000 - Teatro Latinoamericano: Entrevista Díaz-Florián - Osvaldo Obregón.
1991 - Tamerlan: The beauty of the Resistible Tyrant. - Brian Singleton.

 

LA CARTOUCHERIE
Une aventure théâtrale

Joël Cramesnil.
Les Éditions de l'Amandier/Théâtre - 2004

 

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1971
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1977-80
1980-85

1985-94

 

Dois-je faire un spectacle sur un mois et demi et fermer, comme me le permettent à peine les subventions que je reçois, alors que, dans chaque parpaing, je vois les mains, la sueur des comédiens qui ont construit ce théâtre et ont cru en lui ? J'aurais honte de regarder ces murs si je montais une pièce en prenant deux ou trois comédiens-stars, car je trahirais tout ce que nous avons fait avec nos mains depuis dix ans.

Antonio Díaz-Florián (1990).

1985 / 94

Le Theatre de l'Epee de Bois va developper son lieu.

En 1986, au sein du Théâtre du Soleil, Antonio Díaz-Florián reprend le rôle de l'adjoint de Pol Pot dans L'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk roi du Cambodge, suite au départ du comédien qui jouait initialement ce rôle. Cet événement survient alors que la troupe de l'Epée de Bois répète Caligula d'Albert Camus et qu'elle peine à trouver l'acteur qui se révèlera pour jouer le rôle-titre: "Ariane m'avait dit : "Essaye de venir jouer chez nous si ça ne doit pas mettre ta troupe en danger. Cela devait être pour un mois, ça en a duré six" 6:íí. A l'issue de cette expérience, les répétitions de Caligula reprennent, mais le problème lié a l’interprète du rôle-titre reste entier. Ariane Mnouchkine invite alors Antonio Díaz-Florián à faire une proposition aux comédiens du Théâtre du Soleil: l'interprète qui jouait à ses côtés le rôle de Pol Pot jouera Caligula. En février 1987, la création de Caligula inaugure la grande salle du Théâtre de l'Epée de Bois aux magnifiques murs de pierres, une série de craquelures donnant au sol des allures de marbre. La mise en scène, d'option orientaliste, passe par l'Algérie natale de l'auteur ; les personnages sont vêtus de shesh, de sarouel, de turbans et de capes, tandis que la représentation est rythmée par des percussions derbouka et saz lar: "ce que joue Antonio Díaz-Florián (...) c'est la tragédie très actuelle du pouvoir absolu des tyrans ivres d'idéologies. Les exemples ne manquent pas : Cambodge, Iran... (...) II nous transporte (...) dans un Moyen-Orient barbare : hommes lourdement vêtus de noir et enturbannés dans leurs grandes capes font des derviches tourneurs aux moments d'affolement. (...) A la dernière scène, Caligula apparaît en cheik blanc, sur qui les hommes noirs se ruent. Cet assassinat d'un chef de tribu, comme il s'en est perpétré dans les sérails, remet les affaires de l'Etat aux mains des réalistes. Ils n'en useront peut-être pas bien, mais sont moins dangereux certainement que les idéalistes logiciens" 629. Parallèlement à cette création, Le Prince travesti de Marivaux est donné en tournée de janvier à mars 1987, ainsi que Le Paradoxe du comédien de Diderot d'avril à juin.

De 1988 à 1990, le Théâtre de l'Epée de Bois réalise un cycle de trois pièces issues du théâtre élisabéthain. Poursuivant son désir de confrontation aux grandes oeuvres du répertoire, Antonio Díaz-Florián réalise pour ces trois mises en scène un travail d'adaptation dans le souci d'une meilleure compréhension du public. En février 1988, il met donc en scène la comédie Volpone ou le renard de Benjamín Jonson dont le choix correspond à une quête d'un théâtre d'acteur, d'un théâtre bouffon, masqué, de tréteaux : "C'est une sorte de vaudeville amer, presque tragique, une sombre satire sur la folie de l'or. Benjamín Jonson dépeint un des aspects multiples que prend la quête du précieux métal. Le poète montre que l'or divisé par Volpone, recherché et adoré par les dupes,

est le plus grand danger qui guette l’humanité" h1". Le spectacle est créé dans la petite salle qui est enfin intégralement boisée, à l'exception du sol qui comporte une simple empreinte en forme de losange. Outre des tabourets sortant des murs à jardin et à cour, l'espace est totalement nu ; les personnages vêtus de costumes stylisés renvoient à l’univers de la commedia del1'arte; la musique mêlée des influences élisabéthaines, arabes et arméniennes : "J'ai toujours aimé partager avec d'autres. Et j’aime le théâtre parce qu'il est pour moi une quête d'humanité et une quête spirituelle à travers la vente des personnages déguisés sous leurs costumes : la vérité du traître, du roi, du prince. (...) Le mot professionnel n’existe pas. Les anciens comédiens forment les nouveaux qui, à leur tour, assurent la relève, et toute la troupe participe aux tâches administratives et techniques" ñ11. Malgré une programmation de plusieurs mois et une fréquentation importante du public, la critique ne se déplace quasiment pas :

"La conception de la mise en scène et surtout de la direction d'acteurs (costumes époustouflants) de ce maître confirmé du théâtre d’aujourd’hui (...) enrichit de façon surprenante, ce spectaculaire grand classique. Le plus petit rôle y prend un relief singulier" M2. Le cycle élisabéthain du Théâtre de l'Epée de Bois se poursuit en mai 1989 avec lamerian de Chistopher Marlowe, dont le choix est à nouveau guidé par une fascination pour le thème du tyran, tout comme cela fut le cas deux plus tôt avec

Caligula d'Albert Camus. Le désir d'Antonio Díaz-Florián porte également sur le caractère extrême des passions telles qu'elles s'expriment dans cette pièce. Ce projet est une production de grande envergure pour la troupe qui s'y consacre durant dix mois mais, peu avant la création, l'interprète jouant le rôle-titre quitte l'aventure: "Je le comprenais, il était jeune et le personnage est dur, violent, il porte sur ses épaules le spectacle qui dure quatre heures, puisque nous jouions les deux parties" 633 Antonio Díaz-Florián est alors convaincu par Ariane Mnouchkine qu'il doit lui-même reprendre le rôle, ce qu'il fait, permettant ainsi à la troupe de gagner en confiance ; le fonctionnement du théâtre et l'accueil du public se faisant alors que l'inspirateur des lieux se prépare dans les loges. Le spectacle est créé dans l'espace vide de la grande salle dont le sol est équipé de quatre carrés de briques surplombés de grilles métalliques d'où jaillissent les lumières: "Sur un plateau couleur de sable adossé à un mur de pierre, au son d'une musique persane raffinée, des guerriers tanares, tous enturbannés de noir, le bouclier à pointe au poing, se heurtent à des janissaires turcs rutilants de pendeloques ou à de vieux sages babyloniens en djellabas blanches" 364. Ce cycle élisabéthain s'achève avec la création, en janvier 1990, du Marchand de Venise de William Shakespeare: "Notre goût de l'Orient me poussait vers la pièce, ainsi que notre attention à l'exclusion. Dans cette pièce, un peuple, une culture, un pays sont impliqués. Ce n'est plus parler des Romains ou des Tanares, parler des juifs est une responsabilité plus grande avec l'antisémitisme toujours renaissant" 635. Ce spectacle est créé dans la petite salle dont le sol est intégralement recouvert de terre humide : au centre, une scène carrée faite de dalles est reliée à l’arrière scène par une passerelle en béton, tandis que les interprètes sont vêtus de costumes vénitiens du xvrème siècle. Cette fois, il est décidé au préalable qu'Antonio Díaz-Florián jouera lui-même Shylock, la pièce ayant été choisie dans l'idée d'affronter l’antisémitisme: "Au lieu de s’appuyer sur la riche construction de la pièce, le metteur en scène la détruit pour insister sur Shylock avec toute la bonne conscience anti-raciste qui fonde aujourd'hui le consensus. La fin de la pièce est supprimée pour montrer Shylock repartir sur la route... il est vrai que dans ce rôle, Antonio Díaz-Florián réussit une composition inoubliable. Immense patriarche barbu aux yeux blancs, il ressemble à une illustration romantique pour le "Juif errant" " 636.

Après s'être plongé dans l'univers élisabéthain, le Théâtre de I'Epée de Bois passe au siècle d'or espagnol et à l'interprétation bilingue avec la création, en décembre 1991, de La Vie est un songe de Pedro Calderón, dont Antonio Díaz-Florián interprète le rôle de Sigismond. L'objectif consiste à révéler les richesses insoupçonnées de cette période historique, tout en donnant à découvrir cet auteur dans sa langue natale. Le spectacle est créé dans l'espace vide de la grande salle dont le sol, recouvert de dalles prises dans du sable, donne l'illusion d'une pyramide tronquée. Cette plate-forme est reliée par quatre passerelles - de l'avant- scène à l’arrière scène et de jardin à cour - mais seule la passerelle reliée à l’arrière scène est empruntée par les interprètes. Ces derniers sont vêtus de costumes d'époque, qui mêlent des influences de la Renaissance et de l’Orient, à l'exception des soldats dont les costumes sont très clairement ceux de l'armée espagnole. La pièce est donnée alternativement en français et en espagnol mais, malgré de nombreux comédiens bilingues, ce parti pris de mise en scène résiste difficilement à divers problèmes de prononciation. Enfin, certains passages et diverses didascalies sont lues dans un grand grimoire dont ne se sépare jamais le chef des soldats chargés de la protection de Sigismond, ces derniers occupants alors la position d'un choeur : "L'ensemble, d'une homogénéité très étudiée, participe à une tentative (,..) pour retrouver les formes des théâtres anciens traditionnels : un certain cérémonial, un soutien musical, une ponctuation de percussions. Si la permanence intemporelle de la fable est ainsi soulignée, il ne s'agit pas pour autant d'adhérer à la morale de Calderón comme en témoigne le traitement du groupe de soldats, sorte de choeur burlesque dont les interventions remettent les choses en place" 637. Le Théâtre de l'Epée de Bois développe son parti pris d'un théâtre bilingue avec la création, en octobre 1992, de L'Abuseur de Séville de Tirso de Molina. La pièce est d'abord créée en espagnol, au Corral de Comedias (Madrid), dans le cadre du Festival de Théâtre Classique d'Almangro en juillet 1992; puis, à la Cartoucherie, le spectacle est joué dans la petite salle dont le sol est alors pavé de bois. II s'agit cette fois d'explorer l'Espagne dans son lien avec la France à travers L'Abuseur de Séville comme source d'inspiration du Don Juan de Molière que la troupe interprète en janvier 1993 et dans laquelle Antonio Díaz-Florián joue le rôle-titre: "L'interpénétration, la fécondation mutuelle des deux oeuvres, celle de Tirso de Molina et celle de Molière, ainsi que l'avancée dans le Siècle d'Or espagnol, nous conduisent, à cette étape du travail, à vous proposer un Don Juan raconté par une troupe ambulante venue du sud. L'universalité du mythe et notre goût pour les "constructions en abyme" nous y portent aussi. Nous vous invitons donc à poursuivre avec nous cette quête" 638. Cette mise en scène, interprétée en français, a donc la forme d'un spectacle de place publique, de théâtre de tréteaux : dans la grande salle du Théâtre de l'Epée de Bois dont l’intégralité du sol est recouvert de terre, la troupe entre en scène dans une charrette et installe, à l'aide de quelques planches, un petit espace scénique où elle joue la pièce. Lorsqu'ils ne sont pas en scène, les interprètes prennent place dans le chariot, la représentation allie joyeusement théâtre et musique, tandis que le rôle de Sganarelle est masqué, ce qui est pratiqué pour la première fois au Théâtre de l'Epée de Bois. Le retour à une interprétation bilingue s'effectue en mai 1994 avec Les Noces de sang de Federico García Lorca, adaptée par Antonio Díaz-Florián sous la forme d'une pièce interprétée pour la dernière fois par une troupe se trouvant dans un théâtre encerclé de fascistes: "A peine le village est-il dans l'attente des noces que déjà surgissent les pressentiments du drame. Le soir de la fête, la tragédie est consommée, inscrite depuis toujours dans le destin des familles ennemies" 639. Le dispositif scénique du spectacle, joué dans la petite salle, se limite donc à une estrade avec rideau et malles, tandis que la bande son est composée d'hymnes fascistes italiens, nazis allemands et phalangistes espagnols. Après sa création au Théâtre de l'Epée de Bois, cette mise en scène est donnée à Madrid, au Teatro Espada de Madera, où elle fait l'objet d'une seconde version. Cette fois, l'adaptation d'Antonio Díaz-Florián met en scène une petite troupe itinérante andalouse, dans les montagnes environnantes de Grenade, jouant une libre adaptation de Federico García Lorca. Le dispositif scénique, bien que plus petit, est quasiment le même, alors que le jeu des comédiens tire beaucoup plus sur le clown, la marionnette, le bouffon et les personnages difformes. Soutenue par la Fondation Lorca, cette mise en scène connaît à Madrid un succès bien plus important qu'à París. Parallèlement à ses créations, durant ces mêmes années, le Théâtre de l'Epée de Bois accueille régulièrement divers spectacles : Nakamura Malagoró et Fujima Daisuki (kakuki) en collaboration avec l'A.R.T.A. en avril 1992, Piano, chronique d'un opus posthume par Michel Rostains en février 1993, C'est la vie par Marc Feld (Théâtre de l’Escabel) en juin 1993, Le Roi et le grand-père de Clémentine Yelnik par Clelia Pires (Cie Play-t-il?) en septembre 1993, Le Nuage en pantalon par Mario Chiapuzzo (Grande Maggia Théâtre) en septembre 1993, Muestra par un groupe de théâtre alternatif espagnol en mai 1994, ainsi que Cosi fa da Ponte d'après Da Ponte par Anne Quesemand en juin 1994.

Durant ces neuf années, la composition de la troupe s'est constamment renouvelée et il ne reste plus un seul membre datant d'avant l'édification de ce nouveau théâtre : "En moyenne, ils restent trois ans à trois ans et demi. Mais, c'est curieux, c'est toujours un peu les mêmes gens qui viennent à l'Epée de Bois. Même physiquement, ils arrivent à se ressembler. On le constate avec surprise quand on se passe quelques petits films d'archives. (...) La plupart constituent eux-mêmes des troupes et viennent, s'ils veulent, répéter. Ils y ont droit : ils ont contribué à faire ce théâtre. II y a bien quatre ou cinq groupes qui sont nés dans nos locaux. Ils jouent à l'extérieur, ils sont nos frères mais tout à fait indépendants. (...) Nous ne louons jamais notre théâtre. C'est un lieu ouvert, disponible : question d'éthique" 640.

 

 
     
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